#Consommation : Les vêtements de demain

L’industrie du textile connaît une mutation profonde depuis quelques années : les vêtements que nous portons sont appelés à devenir plus intelligents et plus connectés afin de répondre aux enjeux énergétiques et civilisationnels de demain. Vous connaissez déjà les montres connectés capables de mesurer l’intensité de l’effort physique et les calories éliminées ? Et bien les e-textiles ambitionnent de se tailler une place de choix au sein de cette constellation d’objets connectés en intégrant capteurs, matériaux conducteurs, batteries etc … dans le tissu.

Ces textiles intelligents trouvent leurs applications les plus prometteuses dans le domaine du sport et de la santé : des chaussettes qui décèlent le taux de fatigue du coureur en fonction de la pression du talon sur le sol ; un tee-shirt capable de récolter et communiquer au centre de soin notre rythme cardiaque ou notre taux d’insuline… Ces vêtements ont vocation à simplifier le suivi de la santé de son détenteur et à améliorer la prévention des pathologies, voire à les soigner.

D’un côté plus ludique, les chercheurs et les entrepreneurs ambitionnent de transformer votre garde-robe en véritable outils au service du quotidien. A l’instar du projet Jacquard de Google qui propose de décrocher votre téléphone grâce à une simple pression sur le vêtement ; ou bien des bikinis connectés de l’entreprise alsacienne Spinali design qui vous informent de la nécessité de passer une nouvelle couche de crème solaire afin d’éviter le coup de soleil…

Sans discuter de l’utilité ou non de ces innovations, une problématique apparaît d’emblée : comment gérer la consommation et le stockage de l’énergie nécessaire à alimenter les capteurs implémentés dans ces tissus connectés ? Les besoins engendrés par le développement du marché des objets connectés s’accordent mal avec le contexte énergétique mondial et ses orientations présagées.

Pour répondre à ces problématiques, le textile de demain se veut être à la fois autonome en énergie, mais aussi produire l’énergie nécessaire à alimenter nos autres gadgets connectés. Pour atteindre cet objectif, certains textiles intelligents sont conçus afin de récupérer l’énergie gratuite à disposition dans leur environnement : le soleil, les mouvements et la chaleur du corps.

Ainsi, nous pouvons déjà nous procurer une parka solaire chez Tommy Hilfiger par exemple, laquelle, grâce aux cellules photovoltaïques cousues à sa surface et de la batterie intégrée, nous permet de recharger notre smartphone. L’autre source d’énergie gratuite et exploitable à travers le textile est la piézo-électricité. C’est la capacité qu’ont certains matériaux à se polariser et créer de l’électricité sous l’effet d’une pression, d’une flexion ou d’un frottement. En tissant ces matériaux – naturels ou synthétiques – dans la fibre du tissu il est possible de générer de l’électricité simplement en marchant. Selon les études actuellement menées, pour 80 frottements par minute sur une chemise, 80 milliwatts peuvent être produits, soit de quoi alimenter un mp4, un smartphone, mais aussi les futurs nano appareils médicaux dont serait équipé le porteur. Enfin, il est possible de produire de l’énergie en transformant la chaleur corporelle en électricité, c’est l’effet thermoélectrique. Cependant, cette technique est pour le moment très peu efficace : seuls quelques nanowatts ont pu être récoltés en portant un tee-shirt  8h00 par jour.

En portant ces textiles intelligents et connectés, nous transformerons-nous en Super-Héros capables de produire l’énergie nécessaire à alimenter nos gadgets électroniques et ainsi réduire la pression de notre société sur l’environnement et les ressources naturelles ?

Ces innovations dans le textile, à même de proposer des solutions aux effets pervers des développements de nos sociétés, soulèvent d’autres problématiques : celui de leur durabilité et de leur fin de vie. En effet, ces vêtements ont vocation à stocker l’énergie qu’ils produisent afin d’alimenter des appareils externes, et ont pour cela besoin de batteries. Une fois l’épineuse question du passage en machine des composants électroniques éludée, il nous reste la question du recyclage. Le problème est qu’il n’existe actuellement pas de filière adéquate pour ces nouveaux textiles. La filière de recyclage de tissu ne sait pas gérer l’électronique implémentée dans les pièces, et les moyens de recycler les appareils électroniques ne sont pas non plus compatibles avec la matière textile. Pour éviter que ces vêtements du futur n’échouent aux côtés des autres déchets électroniques dans les pays en développement, il ne reste qu’à espérer qu’une filière du recyclage spécifique se développe au même pas que ces innovations…

Au boulot, fini de jeter les jeans troués
 

A moins que la révolution du textile ne se situe ailleurs ? Et si nous repensions l’ensemble du cycle de vie du vêtement dans une optique vertueuse, afin d’améliorer les conditions de vie des travailleurs et réduire son impact sur l’environnement ? De sa confection – en limitant les consommations d’eau et d’énergie et en évitant le recours aux produits polluants et toxiques – jusqu’à sa fin de vie et son réemploi, de nombreuses améliorations peuvent être apportés – surtout lorsqu’on sait qu’en France seulement 20% des vêtements sont recyclés. Le recyclage des matières synthétiques ou des composants électroniques étant bien moins aisé que celui des matières naturelles, il est à se demander si l’avenir du textile ne trouve pas ailleurs… Et si le pagne en chanvre du paysan médiéval revenait finalement à la mode ?

Audrey Petit

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