Sobriété numérique : L’impact du numérique #sobriété #transition #informatique

Nous assistons à un déploiement sans précédent des technologies de l’information et de la communication, plus connues sous leur acronyme de TIC. L’association négawatt s’est penchée sur les conséquences environnementales de leur utilisation. Elle se veut rassurante eu égard aux progrès constants que ne manque pas d’accomplir cette industrie, en particulier en matière de centres de données, aussi appelés datacenters. La foi dans le progrès qui répare les erreurs qu’il a commises y transparaît en filigrane, sans doute cette foi est-elle mauvaise conseillère, comme nous allons le voir. Un laboratoire d’idée dont nous ne partageons pas toutes les orientations, The Shift Project, vient de publier une étude plus approfondie sur le sujet. Cette dernière se veut beaucoup plus alarmiste, et les résultats, qui ne sont pas à prendre à la légère, ne font que corroborer l’évolution dont nous sommes les acteurs, et avec un peu de bonne volonté, dont nous pouvons devenir les observateurs avisés.

« Le problème majeur réside dans la diffusion en continu de vidéos »

Les TIC requièrent de l’énergie à hauteur d’environ 45% pour leur fabrication et 55% pour leur utilisation. Il s’agit de fabriquer des télévisions, des ordinateurs, des smartphones et autres matériels, tels que les boxs. L’utilisation englobe, outre la consommation d’électricité à la maison ou au bureau, les dépenses d’énergies des réseaux et des datacenters. L’énergie directe, qui se manifeste sous forme de consommation électrique, est de seulement 1/5, tout le reste s’avère être de l’énergie grise. Il est vrai que les ordinateurs construits actuellement présentent une remarquable sobriété par rapport à leurs pas si lointains ancêtres. C’est leur fabrication qui pose problème. Il en va de même pour la fabrication des smartphones, au regard de leur multiplication. Il ne nous a pas échappé que ces matériels sont fabriqués en très grand nombre dans un pays extrême-oriental où l’électricité est générée à 80% à partir de charbon. En outre, ils nécessitent des métaux rares tels que le gallium, l’indium, le tantale ou le germanium, au taux de recyclage inférieur à 1%, et extraits du sous-sol au prix du charriage d’une grande quantité de terre et de roches. Parler d’économie
circulaire relève en l’occurrence d’un abus de langage patent. Une première conclusion s’impose : il faut absolument limiter le nombre de téléviseurs, d’ordinateurs et de smartphones neufs. Et si l’on en possède, le défi consiste à les faire durer le plus longtemps possible.

Une grosse partie de l’énergie dépensée lors de l’utilisation est invisible, puisque qu’elle circule au sein même des réseaux et des datacenters. Le problème majeur réside dans la diffusion en continu de vidéos et de films, qui s’effectue de plus en plus en très haute définition. L’étude du laboratoire d’idée susmentionné révèle qu’ « il [faut] envoyer 100 mails courts, avec une pièce jointe d’un mégaoctets pour générer une consommation d’énergie analogue à celle causée par le visionnage d’une vidéo de 10 minutes », alors que c’est une tâche qui prendrait environ cinq heures. Il convient dès lors de limiter considérablement le visionnage en continu de vidéos sur son ordinateur ou son smartphone.

« Le numérique connaît une croissante de sa consommation d’énergie de 9% par an »

C’est là que la philosophie joue un rôle important. L’informatique n’a pas tenu ses promesses de dématérialisation. Derrière un écran, nous sommes tentés de croire qu’il n’y a rien, alors qu’un monde de mines et de centrales à charbon et nucléaires se dessine. Nous ne sommes plus en mesure de nous représenter le monde que nous avons « fabriqué », pour reprendre l’idée chère au philosophe Günter Anders. Les smartphones ont un double impact négatif : ils autorisent la visualisation permanente de vidéos consommatrices d’énergie, et pire, ils renforcent notre croyance en un monde virtuel, immaculé, qui efface tout contact avec la réalité et interdisent ainsi tout questionnement lié à leur utilisation. Ils modifient profondément notre rapport au temps et à l’espace : l’information nous parvient instantanément, nous nous faisons livrer des colis venus d’Extrême-Orient dès le surlendemain. La Terre devient une petite planète, où les oligarchies des mégapoles sont plus proches des autres oligarchies, que de leurs voisins de banlieue défavorisée, grâce à la vidéocommunication et aux smartphones.

Les bénévoles du Repair Café du Hahnenberg en plein travail de réparation

Le numérique connaît une croissante de sa consommation d’énergie de 9% par an. Nous ne saurions nous satisfaire d’un tel état des lieux, car l’électricité, outre l’informatique, fait l’objet de toujours plus de sollicitations de la part de secteurs tels que le transport et les pompes à chaleurs et climatiseurs. La sobriété ne devrait-elle pas viser une stabilisation des consommations ? La solution au problème passe nécessairement par l’éducation, chacun devant prendre conscience de l’impact environnemental de son usage du numérique et adapter ses pratiques.

Les bonnes pratiques

  • Réduisez vos usages numériques énergivores à l’essentiel (limitation des vidéos en ligne, de l’envoi et du stockage de pièces jointes volu-mineuses, du stockage en ligne de copies multiples,…)
  • Avant d’acheter un appareil, posez-vous la question de son utilité, de ce dont vous avez besoin et des solutions alternatives
  • Privilégiez le matériel d’occasion ou reconditionné plutôt que le neuf. L’entreprise d’insertion Envie dispose par exemple de trois points de vente en Alsace, on trouve aussi de nombreux sites internet avec des appareils d’occasion.
  • Plutôt que de jeter ou laisser prendre la poussière à vos vieux appa-reils, réparez, faites réparer ou donnez-les. Les Repair cafés sont des associations qui aident chacun à réparer ses objets.

Article écrit par Jean-François Brisset

Retrouvez tous les articles dans notre dernier numéro de l’Energies infos

En savoir plus :

  • https://decrypterlenergie.org/
  • La révolution numérique fera-t-elle exploser nos consommations d’énergie?
  • Rapport du Shift Project : LEAN ICT Pour une sobriété numérique
  • Etude ADEME : Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipement

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