#Photovoltaïque en #auto-consommation : utopie ou repli ?

La prise en compte, dans les tarifs de vente de l’électricité photovoltaïque, du statut d’auto-consommateur, a généré un engouement difficile à expliquer : physiquement, nous ne pouvons qu’auto-consommer.

Le nombre de nouvelles installations photovoltaïques augmente chaque année. Bonne nouvelle pour le mix énergétique, qui devient plus renouvelable, et plus décentralisé. La maîtrise de notre production d’énergie n’est plus aux mains d’une poignées d’ingénieurs, mais commence à dépendre d’un plus grand nombre. Cependant, l’objectif d’une décentralisation est de mieux servir l’intérêt général. Pour cela, les installations chez les particuliers, souvent en toiture, et plutôt petites (inférieures à 9kWc soit environ 60m2), doivent également être pensées dans une logique de mutualisation.

Physiquement, l’autoconsommation est inévitable : lorsque les photons impactent une cellule photovoltaïque, celle-ci agite ses électrons qui, connectés par câble, transmettent leur agitation aux voisins, et cette agitation est transmise jusqu’à l’endroit le plus proche où elle sera transformée en autre chose : par exemple, en lumière dans l’ampoule de la salle de bain au-dessous du toit. L’objectif de notre réseau éléctrique est d’équilibrer les sources d’agitation des électrons avec les points de consommation de cette agitation.

Économiquement, pour qu’une installation d’auto-consommation soit la plus rentable possible, il faut optimiser le taux d’auto-production (la part de ma consommation que je produis grâce à mon installation) et le taux d’auto-consommation (la part de la production de mon installation que je consomme moi-même).

Le profil type d’une consommation individuelle, sans chauffage ni eau chaude électrique, est autour de 1000kWh par personne et par an, un peu moins en été qu’en hiver, et beaucoup plus de nuit que de jour.

Le profil invariable d’une installation photovoltaïque en Alsace équivaut à 1000kWh par an et par kWc installé, de la production en journée, beaucoup plus l’été (… % de la production entre avril et septembre).

Nous n’aborderons pas ici la question du stockage : son coût, tant financier qu’écologique, ne peut se justifier que dans des situations bien particulières.

La mise en regard des profils de consommation et de production amène une première remarque : sur un profil type, difficile d’atteindre plus de 30 % d’auto-consommation. Et pour maximiser sont taux d’auto-production, il faudrait installer une toute petite surface (1 kWc environ permettrait d’alimenter le frigidaire, les moteurs de la VMC et les quelques appareils que nous avons eu la faiblesse de ne pas éteindre…!)

Cette inadéquation est renforcée par les tarifs de vente de l’électricité photovoltaïque : fixés par la commission de régulation de l’électricité, ils sont dégressifs selon la puissance de l’installation. Sur les petites installations, les tarifs pour une vente totale d’électricité sont entre 18,c€/kWh (<3kWc) et 16c€/kWh (<9kWc), alors que lorsqu’on déclare une installation en autoconsommation partielle, le surplus que l’on injecte sur le réseau est vendu à 10c€/kWh. Si l’on ajoute que l’on achète un kWh environ 16c€, il n’y a pas d’intérêt financier à auto-consommer. La variable inconnue est l’augmentation du prix de l’électricité : potentiellement, dans 10 ans, le kWh électrique peut coûter 20c€…

Sans réalité physique, l’autoconsommation est donc uniquement une convention sociale pour identifier les flux financiers : qui achète ? Qui vend ? Auto-consommer, c’est alors déclarer à la société : je veux produire d’abord pour moi. Ce qui reste, je veux bien en faire profiter les autres. Voilà une philosophie qui paraît bien éloignée d’un mix énergétique pensé dans son ensemble. Les énergies renouvelables, intermittentes mais complémentaires, nécessitent pourtant une vision globale de notre production : produire le maximum de chaque potentiel, et équilibrer à chaque instant les consommations sur le réseau. L’installation idéale sur ma toiture, dès lors, c’est celle qui couvre le maximum de surface (j’utilise tout mon potentiel), et dont je vends l’ensemble de la production : dans la journée, quand je ne suis pas là, ma production sera consommée, par exemple, à l’école du village. Et mes besoins en soirée pourront être couverts par la turbine hydroélectrique qui a été installée à côté de l’école !

La notion d’auto-consommation collective a été ajoutée dans les textes de la loi de transition énergétique pour la croissance verte afin de permettre à différentes personnes (morales et/ou physiques) de produire et consommer ensemble leur énergie. L’idée reste la même, à une échelle un peu plus large, et avec une complexité administrative qui rend difficilement rentable les projets.

Un mix énergétique 100 % renouvelable nécessite un partage des productions, et donc une vision très collective de notre réseau national. Heureusement, Enedis, le gestionnaire de réseau, est encore une entreprise publique (et soyons exigeant pour qu’elle reste au service de l’intérêt général), et en Alsace, nous avons même encore de nombreux « ELD » (entreprises locales…) qui sont aux mains des collectivités : saisissons-nous de ces opportunités pour penser un réseau électrique du partage.

Article de Coline Lemaignan

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