Grand Contournement Ouest : Parlons énergie #GCO

Il est vrai que la métropole de Strasbourg connaît régulièrement des bouchons en semaine, le matin et le soir. Et il est peu de dire que ces embouteillages gâchent la vie de ceux qui se rendent quotidiennement à Strasbourg et celle des habitants jouxtant cette route. Dès lors, pour soulager l’autoroute A35 thrombosée, un contournement autoroutier à l’ouest de Strasbourg semble la solution idéale. Il ne faudrait pas oublier les riverains strasbourgeois de l’autoroute qui respirent un air de piètre qualité. Le GCO est effectivement un projet né dans les années 1970, où l’automobile se développait très vite, et il fallait toujours plus de routes ou d’autoroutes pour davantage fluidifier le trafic. Le raisonnement peut paraître simple, voire simpliste, mais il reflète le Zeitgeist qui prévalait à l’époque.

Depuis, notre connaissance en matière de transports s’est heureusement affinée. Le trafic vers et depuis la ville de Strasbourg est de nature essentiellement pendulaire. En d’autres termes, les gens prennent leur voiture le matin pour aller travailler à Strasbourg, grand bassin d’emploi, et le soir repartent vers leur lieu de résidence. Ainsi, le GCO ne saurait répondre à l’objectif qui lui est assigné, à savoir désengorger Strasbourg. Pire, il conduira à une augmentation de trafic au droit de l’autoroute de Hautepierre, ce qui pénalisera le projet de transport en commun routier entre Wasselonne et Strasbourg en cours d’élaboration.

Pourquoi ce projet de GCO se concrétise-t-il dans ces conditions ? La réponse est à trouver dans un document de la CCI : le « trafic entre le nord et le Sud de la région ne fait que croître, tout comme celui lié aux échanges internationaux ». L’objectif du GCO n’est donc pas de désengorger Strasbourg, mais de permettre à Strasbourg de tenir son rang de métropole , au sein d’un monde globalisé, où les marchandises doivent incessamment circuler entre tous les coins et recoins de la planète.

Maintenant que la France a décidé la construction du GCO, au nord de l’Alsace, dans le Bienwald, l’Allemagne envisage à son tour de construire la Bienwaldautobahn, chaînon manquant entre les réseaux autoroutiers français et allemands. Et l’Alsace se verra transformée en couloir à camions. Ainsi le GCO va-til accroître le trafic international de marchandises, majoritairement transportées par camions entre l’Italie et la gigantesque zone portuaire des Pays-Bas, sans pour autant résoudre le problème du désengorgement de Strasbourg qui se posait à l’origine.

La pollution de l’air s’aggravera globalement dans toute la plaine d’Alsace, et même dans tout le Rhin supérieur, qui n’a pas l’heur d’être gratifié d’une aérologie favorable à la « dispersion » des polluants. Rappelons qu’en Allemagne, l’autoroute A5 au nord d’Offenbourg, parallèle à l’autoroute A35 alsacienne vient de passer de 2×2 à 2×3 voies.
Dans ces conditions, pour véritablement désengorger l’autoroute A35 dans sa traversée de Strasbourg, et pour entendre la détresse des riverains de l’autoroute A35, il n’est d’autres solutions que de mettre fin au trafic pendulaire que connaît Strasbourg, et les solutions sont connues. Il convient de développer les transports en commun vers et depuis Strasbourg, et enfin développer les solutions telles que le télétravail, appliquées de façon encore trop timorée. Et pour mettre fin à la croissance démentielle du trafic de marchandises, contraire aux beaux objectifs de l’accord de Paris sur le climat, il nous faut apprendre à consommer davantage de produits locaux , voire à moins consommer .

En matière d’énergie dans les transports, la meilleure des solutions reste bien évidemment la sobriété, qui consiste à réduire les voyageurs kilomètres ou tonnes-kilomètres effectués. Si le GCO venait à se faire, nous exigerions que le transit international de marchandises sur le sol alsacien s’effectue par le train, à la grande efficacité énergétique, au contraire des camions. Restons lucides, l’efficacité énergétique, y compris dans les transports, est un leurre. En effet, selon le paradoxe de Jevons (aussi appelé postulat de Khazzoom-Brookes en matière d’énergie) toute amélioration de la consommation d’une voiture conduit immanquablement à une utilisation accrue de cette dernière, ce qui peut même entraîner une consommation d’énergie globalement plus élevée. Et même, le paradoxe de Jevons s’applique paradoxalement à la construction routière. La construction de nouvelles routes invite les automobilistes à davantage circuler, et constitue l’assurance imparable de nouveaux embouteillages à venir. Pour réduire les embouteillages, il faut fermer des routes. Les gens s’habituent aux conditions de circulation détériorées et s’y adaptent en faisant baisser la circulation.

Jean-François Brisset

 

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