Fin 2018, l’annonce par le gouvernement d’une augmentation des taxes sur les carburants déclenche le mouvement des Gilets Jaunes. Le gouvernement fait marche arrière et occupe le terrain médiatique avec un « Grand Débat National » dont la synthèse se résume aujourd’hui à un gros sondage. En parallèle, poussé par des militants écologistes, Emmanuel Macron initie la Convention Citoyenne pour le Climat. Deux ans plus tard, les travaux de la convention doivent être inscrits dans la loi, mais le projet de loi ne semble pas à la hauteur des attentes.
La Convention Citoyenne pour le Climat a été annoncée en avril 2019, suite à la reprise par le gouvernement d’une proposition du collectif « Gilets Citoyens » dont Cyril Dion, militant du mouvement Colibri et réalisateur du film Demain, a été le porte-parole. 150 citoyens ont été tirés au sort et ont travaillé, à partir de novembre 2019 à « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale ». Le travail de ces citoyens, statistiquement représentatifs de la société française, devait permettre de concilier efficacité des mesures et acceptabilité sociale.
Le Président de la République s’est engagé, au lancement de la Convention, à ce que ses propositions législatives et réglementaires soient soumises “sans filtre” soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe.
Les membres de la Convention ont été formés et ont pu auditionner de nombreux experts pendant les huit mois de leurs travaux. En juin 2020, ils ont adopté, à chaque fois à une large majorité, 149 mesures nettement transformatrices et proches des positions portées par les professionnels et les ONG de la lutte contre le réchauffement climatique tels que le Réseau Action Climat.
Entre temps, la crise du COVID-19 avait mis en lumière la fragilité de l’économie mondiale, mais aussi la capacité des gouvernements à débloquer rapidement des fonds importants et celle des citoyens à adapter radicalement leur mode de vie en quelques semaines. Ce contexte a créé beaucoup d’attentes et d’espoirs dans les sphères militantes quant à la possibilité d’un « Après » qui aurait tiré parti de la crise pour opérer le virage nécessaire face au changement climatique.
Les militants des ONG et les citoyens de la Convention ont rapidement déchanté quand le gouvernement s’est positionné à deux reprises à contre sens des préconisations de la Convention :
– Alors que le e-commerce était sous le feu croisé des militants écologistes et des enseignes commerciales traditionnelles victimes de concurrence déloyale, le gouvernement s’est refusé à réguler le développement des plateformes logistiques, qui construisent des infrastructures de plus en plus démesurées.
– Le moratoire sur le développement des réseaux 5G, qui était demandé par la Convention pour en évaluer l’impact environnemental et les éventuels effets sanitaires, n’a pas été retenu par Emmanuel Macron qui a comparé les détracteurs de la 5G à des « Amish ».
Depuis l’automne, les citoyens de la Convention et Cyril Dion, désigné garant de leurs travaux par le CESE, constatent que le gouvernement trie et affaiblit les mesures au-delà de ce qui était annoncé. Leurs tentatives de mobilisation (pétitions, marches organisées par « Citoyens pour le Climat ») n’ont pas réussi à faire pression sur le gouvernement.
En janvier 2021 le gouvernement a annoncé un référendum et un projet de loi pour faire suite aux travaux de la Convention. Le référendum porte sur la modification de l’article premier de la constitution de façon à mettre en avant la protection de l’environnement. Il est critiqué pour avoir une portée plus symbolique que pratique.
Le projet de loi ne pouvait pas reprendre l’intégralité des propositions de la Convention car certaines ne relèvent pas de l’autorité directe de l’Etat, mais d’organismes indépendants ou internationaux. Il déçoit tout de même les défenseurs de l’environnement car certaines mesures, qui auraient pu y figurer, ont été écartées comme celle relative à l’obligation de rénovation énergétique. D’autres ont été rédigées, soit avec moins d’ambition que souhaitée, soit avec des échéances de mise en œuvre lointaines.
Ce projet de loi a néanmoins gardé le mérite de mettre sur la table de nouveaux sujets, comme la régulation de la publicité pour les produits nuisibles au climat, l’interdiction de certains trajets aériens substituables par d’autres transports en commun, ou l’obligation de tenir des pièces détachées disponibles pour un plus grand nombre de produits.
En ce début 2021, alors que le texte était examiné à l’assemblée nationale, les associations et ONG mobilisées pour la limitation du changement climatique ont multiplié les actions de lobbying et l’organisations de nouvelles « Marches pour le climat ». Toutefois les députés semblent avoir prêtés plus d’attention aux arguments des lobbyistes de l’industrie et les mesures ressortent encore affaiblies : le Réseau Action Climat reste très critique du projet, qui est loin d’être conforme à l’objectif européen de 55% de réduction des émissions de GES d’ici 2030.
Le « coup de gueule »
Si on prend du recul, on ne devrait pas être surpris que l’issue de la Convention Citoyenne déçoive. Les gouvernements successifs sont habitués à aborder les questions environnementales avec des processus démocratiques innovants mais longs, qui aboutissent à des mesures tièdes et pas aux transformations sociétales dont l’urgence est de plus en plus nette face au réchauffement climatique et à l’extinction de masse des espèces sauvages. Il en a été de même avec le Grenelle de l’environnement (2007) ou encore le Débat National sur la Transition Energétique (2013) dont personne ne se souvient.
Certes, à chaque mandat suffit sa peine… Il faut toutefois se rendre à l’évidence : les citoyens sont désormais en grande majorité pour la transition énergétique. Reste maintenant à s’engager dans ce processus de changement, que nous soyons simples citoyens ou gouvernants.
site de la convention : https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/
Eloi Navarro